Banjul, le 12 février 2020: L’« Institut des droits de l’homme et du développement en Afrique » (IHRDA) et 2 avocats Gambiens le 22 janvier 2020 ont introduit une requête devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples contre la Gambie, pour le compte de sept Gambiens, au sujet de violation des droits de citoyens à la liberté de réunion et d’expression.
Les 7 Gambiens sont des journalistes, des défenseurs des droits de l’homme et des hommes d’affaires, qui s’appuient sur le principe d’actio popularis permettant aux individus et aux organisations d’initier des procès au nom du public en général.
Les plaignants allèguent que la loi gambienne sur l’ordre public, promulguée pour interdire les associations des particuliers agissant à des fins militaires et pour le maintien de l’ordre dans les manifestations publiques, applique des normes qui violent le droit des citoyens à la liberté d’expression (article 9 ( 2)), la liberté d’association (article 10) et la liberté de réunion (article 11). Les plaignants soutiennent que l’article 5 (2) de ladite loi, qui oblige les citoyens à demander une autorisation auprès de l’inspecteur général de la police (IGP) ou du gouverneur de la région concernée avant d’organiser une manifestation publique, attribue beaucoup de pouvoirs de caractère unilatéral et discrétionnaire auxdites autorités, qui peuvent accorder ou rejeter la demande si elles le jugent approprié, alors qu’aucun mécanisme n’est prévu pour permettre le réexamen de leurs décisions. De plus, l’article 5 (4) de la loi autorise un magistrat ou un officier de police au-dessus du rang de sous-inspecteur à arrêter toute manifestation publique sans autorisation, ou avec atteinte à l’une des conditions stipulées au cas où la manifestation est autorisée. Une telle réunion est considérée comme illégale et toute personne qui y participeest susceptible d’une poursuite pouvant entraîner à une peine d’emprisonnement et / ou une amende. En conséquence, plusieurs tentatives récentes de manifestations pacifiques, qui ne semblaient pas conformes aux dispositions de ladite loi, ont été brutalement réprimées par les forces de l’ordre, entraînant des violences publiques, la destruction de biens, des blessures, des arrestations, la détention et même la mort.
En mai 2018, des membres d’un parti politique, y compris l’un des plaignants dans la présente affaire, ont déposé une requête auprès de la Cour suprême de Gambie contestant la constitutionnalité de l’article 5 de ladite loi, qui, selon eux, contrevenait à la liberté d’expression, la liberté de se réunir et de manifester pacifiquement sans armes, et la liberté de se déplacer librement en Gambie, garanties par la section 25 de la Constitution gambienne de 1997. La Cour a jugé que lesdites restrictions à l’exercice de ces droits étaient raisonnables, constitutionnellement légitimes, admissibles et justifiables dans toute société démocratique.
Les plaignants soutiennent que les droits qui auraient été violés sont également inscrits dans la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, auxquels la Gambie est partie.
Les plaignants demandent à la Cour de déclarer que l’article 5 de la loi sur l’ordre public de la Gambie viole le droit à la liberté de réunion et d’expression; et que la Gambie a violé les droits des plaignants à la liberté de réunion et d’expression dans sa dissolution et sa répression de certaines manifestations pacifiques récentes. Les plaignants demandent également à la Cour d’ordonner à la Gambie d’abroger ou de modifier immédiatement l’article 5 de la loi pour l’aligner aux standards internationaux applicables à la Gambie.