27 juillet 2018: Le Centre for Human Rights (CHR) – Université de Pretoria, l’Institut des droits de l’homme et du développement en Afrique (IHRDA) et le Legal and Human Rights Centre (LHRC) ont attrait la République-Unie de Tanzanie devant la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples pour son manquement à une protection adéquate des personnes atteintes d’albinisme.
Les requérants ont déposé la plainte le 25 juillet 2018, alléguant que l’État tanzanien a failli dans son obligation de prendre des mesures appropriées de lutte contre la persécution et la discrimination généralisées perpétrées par la société contre les personnes atteintes d’albinisme.
Les requérants observent que, tout au long de l’histoire, jusqu’à ce jour, les personnes atteintes d’albinisme en Tanzanie et dans d’autres parties de l’Afrique ont subi différentes formes de persécution et de discrimination fondées notamment sur des mythes. Par le passé, beaucoup de tribus ont souvent soutenu la pratique de tuer les personnes atteintes d’albinisme, en particulier les enfants, pour empêcher une «malédiction» de se répandre dans leur communauté et de se débarrasser du «fardeau» de s’occuper d’eux. Depuis l’an 2000, la Tanzanie a commencé à vivre de nouvelles formes de persécution envers les personnes atteintes d’albinisme, notamment la mutilation, suite à une croyance que les parties du corps des personnes atteintes d’albinisme ont des pouvoirs magiques qui peuvent être utilisés pour générer de la richesse par la sorcellerie. Ainsi, il existe un marché noir pour les personnes atteintes d’albinisme (leurs parties du corps ou leurs corps entiers). Les statistiques démontrent qu’entre 2007 et 2010, environ trois personnes atteintes d’albinisme furent attaquées chaque mois en Tanzanie, et la plupart d’entre elles furent piratées à mort; de 2000 à juin 2016, le nombre de morts s’élevait à 76. Les victimes d’attaques ont été profondément traumatisées par des mutilations, des tentatives d’enlèvement, des viols, des rasages ou des menaces physiques. En raison de la discrimination et de la persécution, les personnes atteintes d’albinisme en Tanzanie se sentent ostracisés et négligés par l’État et la société. Les requérants remarquent que les recours internes pour de telles violations sont inefficaces et insuffisants dans la pratique.
Les requérants notent qu’il y a plus de 200 000 personnes atteintes d’albinisme en Tanzanie, et les normes établies par la législation tanzanienne permettent à ce que ces personnes soient qualifiées comme personnes handicapées, tout comme il y a un consensus global croissant pour reconnaître l’albinisme comme handicap.
L’affaire allègue plusieurs violations, notamment du droit à la vie et à la sécurité de la personne; de l’interdiction de la torture, des traitements dégradants et inhumains; de l’interdiction de la vente, de la traite et de l’enlèvement d’enfants; du droit à la non-discrimination; du droit à la dignité et du droit à un recours effectif. Tous ces droits sont protégés par plusieurs traités auxquels la Tanzanie est partie, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant et à la Convention relative aux droits des personnes handicapées.
Les requérants demandent que la Cour africaine déclare la Tanzanie coupable des violations alléguées et ordonnent à la Tanzanie d’adopter une stratégie nationale globale pour assurer la protection des droits, du bien-être et des intérêts des personnes atteintes d’albinisme, y compris la formulation de politiques, l’adoption de lois, la poursuite en justice des auteurs, la formation des autorités concernées et la sensibilisation du public. Les requérants demandent également l’indemnisation, la réhabilitation et le soutien psychosocial aux victimes et à leurs familles, ainsi que la mise en place de mesures spécifiques pour le bien-être des enfants affectés.
Communiqué_CHR-IHRDA-LHRC_v_Tanzania_Albinism-Case_AfCHPR_July_2018_fr