Madame la Présidente, honorables commissaires,
En 2004, IHRDA a déposé une communication au nom de M. Esmaila Connateh et 13 autres Gambiens expulsés d’Angola en mars, avril et mai 2004, avec environ 126247 autres étrangers. Ils ont été expulsés en vertu d’un programme gouvernemental appelé Operaçao Brilhante, dont l’objectif était de débarrasser les zones minières des étrangers. Les plaignants ont allégué qu’ils résidaient légalement en Angola et possédaient les permis et autorisations de travail nécessaires. Dans le processus de leur expulsion, ils ont été détenus dans des conditions grossièrement inhumaines et n’ont pas bénéficié de l’accès à une procédure régulière pour contester la légalité de leur arrestation, détention et expulsion.
La Commission a rendu sa décision sur la communication en mai 2008 dans laquelle elle a constaté que l’Angola a violé plusieurs articles de la Charte africaine. La Commission a en conséquence recommandé à la République d’Angola de revoir ses politiques d’immigration ainsi que ses lois, politiques et structures de détention, et à offrir des garanties procédurales aux personnes détenues. Elle a également recommandé à l’Angola de permettre à la Commission, et aux organisations internationales compétentes, CICR, ONG et consulats concernés l’accès aux centres de détention, y compris les endroits où les non-ressortissants sont détenus. La Commission a finalement recommandé que l’Angola créée une commission d’enquête pour enquêter sur les circonstances entourant l’expulsion et indemniser les victimes.
Depuis la prise de la décision par la Commission en mai 2008, l’Angola a volontairement refusé d’exécuter la décision. IHRDA a visité les victimes à Basse, Gambissara et Banjul en Gambie pour documenter leurs conditions de vie et a constaté que toutes les victimes n’ont pas un emploi rémunéré, et vivent dans des conditions précaires. Certains portent encore les cicatrices des coups leur assenés par des agents de sécurité angolaises et se plaignent d’être la proie de maladies occasionnelles découlant du traitement inhumain auquel ils ont été soumis.
Lors de l’examen des communications, la Commission africaine a réitéré à maintes reprises que les recours doivent être efficaces pour que les victimes de violations des droits de l’homme soient à même d’obtenir justice. Depuis leur expulsion en 2002, les victimes attendent toujours que justice leur soit faite. La Commission elle-même a pris plus de 4 ans pour achever l’examen de la communication. Bien que les victimes aient salué la décision, elles sont très préoccupées par le retard. Elles étaient encore plus préoccupées par la mise en œuvre de la décision, d’autant plus que l’Angola n’a pas répondu à la communication. Sans l’intervention de la Commission africaine, elles n’ont aucun espoir de recevoir une réparation pour les pertes et les torts qu’ils ont subis en Angola.
L’IHRDA a déjà sorti deux déclarations au sujet de la non-application de cette décision au cours des 45ème et 57ème sessions ordinaires de la Commission tenues en mai 2009 et novembre 2015, à Banjul.
L’article 118 (1) du Règlement intérieur de la Commission prévoit la possibilité d’un renvoi d’une communication à la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples, si la Commission a pris une décision sur la communication et considère que l’État n’a pas respecté la décision, ou ne veut pas se conformer à la décision. Cependant, pour que la Commission soit en mesure de faire une telle saisine, l’Etat concerné doit être partie au Protocole créant la Cour.
Dans ce cas d’espèce, l’Angola n’a pas ratifié le Protocole établissant la Cour, ce qui rend impossible le transfert de cette affaire à la Cour. Cela plonge les victimes dans le désespoir parce qu’elles sont abandonnées sans aucun recours pour obtenir l’exécution de la décision.
IHRDA exhorte l’honorable Commission de prendre des mesures de suivi en vue de s’assurer que l’Angola respecte et se conforme à la décision de la Commission.
IHRDA exhorte également l’honorable Commission d’indiquer les mesures pouvant être prises pour que l’Angola respecte et se conforme à la décision de la Commission.
Je vous remercie.