« … c’est parce que nous pensons aujourd’hui que nous avons besoin d’un système cohérent pour promouvoir et protéger les droits et libertés [de l’homme] … Nous devons faire preuve d’imagination et d’efficacité…»[1]
En cette Journée africaine de droits de l’homme, l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) appelle les États et dirigeants africains à renouveler leurs engagements vis à vis de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, à véritablement respecter les recommandations de la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples (CADHP) et à répondre aux attentes légitimes des victimes de violations des droits de l’homme et à celles des peuples africains.
Le 21 octobre 1986, la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples est entrée en vigueur. Elle constitue la base du système africain des droits de l’homme, et embrasse les aspirations des peuples africains à avoir un système efficace et cohérent de protection de leurs droits et libertés qui leur soit propre. Le 21 octobre offre chaque année à l’Afrique l’occasion de commémorer la Journée africaine de droits de l’homme, de réfléchir et de renouveler l’engagement solennel des dirigeants et peuples africains à promouvoir et protéger les droits de l’homme sur le continent.
Il faut rappeler qu’en octobre 2011, le système africain des droits de l’homme a célébré le 25ème anniversaire de l’entrée en vigueur de la Charte africaine et qu’en octobre 2012, la Commission africaine a célébré son 25ème anniversaire.
IHRDA félicite la Commission en son 25ème anniversaire pour les années de contributions remarquables à l’entreprise de promotion et de protection des droits de l’homme en Afrique, ce, malgré les divers défis rencontrés tout au long de ces années. La Commission, étant le premier mécanisme régional des droits de l’homme et ayant été pendant des années un garde institutionnel solitaire, elle a en effet joué un rôle crucial dans le développement de normes relatives aux droits de l’homme en Afrique. Cette évolution a été marquée par une dynamique positive tendant vers une meilleure protection des droits et des libertés fondamentales.
Tout en célébrant les réalisations de la Commission au cours des 25 dernières années, IHRDA déplore le fait que le travail de la Commission ait été brisé par le déficit de légitimité dû au non respect de ses recommandations par les États. Le non-respect des recommandations par les États-parties constitue l’un des principaux facteurs de l’érosion de la crédibilité de la Commission et de la Charte africaine elle–même. IHRDA note que des études empiriques montrent un manque général de respect des États vis–à–vis des recommandations de la Commission africaine[2] et cette dernière a également plusieurs fois exprimé une profonde préoccupation sur la tendance générale des États parties à ignorer ses recommandations[3]. Par exemple, les dossiers montrent un chiffre décourageant d’après lequel jusqu’aujourd’hui, seulement environ 10 décisions de la Commission sur plus de 70 ont été mises en œuvre entièrement ou en partie, ce qui a, malheureusement, rendu sa propre jurisprudence inefficace et a mis la légitimité même du système en cause.
En commémoration de cette journée, IHRDA exhorte tous les États membres à honorer leur engagement solennel vis à vis de l’article 1 de la Charte africaine et ‘à adopter des mesures législatives et autres pour donner effet aux droits garantis par la Charte’. IHRDA appelle les États et les dirigeants africains à s’armer d’une volonté politique solide et à prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre des décisions de la Commission, confirmant ainsi les droits de la Charte qu’ils se sont engagés à respecter, à promouvoir et à protéger.
IHRDA saisit également cette occasion pour exhorter l’Union africaine à s’impliquer davantage et à s’assurer que les Etats respectent les recommandations de la Commission à l’instar de la relation directe que le Conseil exécutif entretient avec la Cour africaine (en vertu du Protocole de la Cour, le Conseil contrôle l’exécution des arrêts de la Cour). Afin d’assurer un suivi efficace du travail de la Commission et garantir la réalisation des droits garantis par la Charte, l’Union africaine doit montrer un vif intérêt pour ce qui est de l’exécution des recommandations de la Commission africaine et s’assurer que cette exécution soit une priorité.
IHRDA appelle la Commission africaine à mettre en oeuvre un mécanisme de suivi efficace conformément à ses Règles de Procédure afin d’assurer la concrétisation de ses recommandations dans la vie des peuples africains. En faisant preuve d’imagination et d’efficacité, et en tirant des leçons importantes des organes régionaux et internationaux des droits de l’homme, nous exhortons la Commission à travailler avec diligence vers l’amélioration de son piètre bilan d’application, tenant ainsi la promesse de son mandat de protection.
En outre, IHRDA étend l’appel aux institutions nationales des droits de l’homme et aux acteurs de la société civile pour mettre en place des mécanismes de suivi indépendants afin d’aider la Commission africaine à déplacer le paradigme au-delà de la valeur jurisprudentielle, «du jugement à la justice» pour les victimes des violations des droits de l’homme.
[1] Déclaration du père fondateur de la Charte africaine, le Président Léopold Sédar Senghor à l’ouverture de la réunion de rédaction à Dakar.
[2] F Viljoen & L Louw , ‘State Compliance with the Recommendations of the African Commission on Human and Peoples’ Rights,1993–2004’ (2007) 101 American Journal of International Law 1.
[3] ‘Non Compliance of state parties to adopted recommendations of the African Commission: A legal approach’ DOC/OS/50b(XXIV)(1998).See also ‘Report of the retreat of members of the African Commission on Human and Peoples’ Rights’ http://www.nhri.net/pdf/ACHPR-Retreat Report-find.pdf.