47ème session ordinaire de la Commission africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, 12 au 26 mai, 2010, Banjul, Gambie
Déclaration par l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA), Plan International et Save the Children Suède sur l’état de la violence contre les enfants dans les écoles.
L’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA), Plan International et Save the Children Suède (SCS) souhaitent attirer l’attention de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des peuples sur la situation de la violence faite aux enfants dans les écoles. La violence contre les enfants dans les écoles constitue une violation de leurs droits protégés par les articles 5, 9 (2), 16, 17, et 18 (1) et (3) de la Charte africaine des Droits de l’Homme et des Peuples.
«La violence à l’école n’est pas un problème limité aux écoles, elle constitue un problème de société complexe, à multiples facettes. Les écoles sont des espaces sociaux dans lesquels se reflètent les relations de pouvoir, les pratiques de domination et de discrimination de la communauté et de la société en général. La violence contre les enfants dans les écoles est liée à des traditions socio-culturelles, à des agendas politiques, aux faiblesses des systèmes éducatifs, aux pratiques communautaires et à la macro-économie mondiale. » Ce contexte de violence contre les enfants dans les écoles et de ses répercussions est confirmé par une étude menée par Plan West Africa, l’UNICEF, Save the Children Suède Afrique de l’Ouest et Action Aid, publiée en Mars 2010.
La violence à l’école prend des formes diverses, à savoir: châtiments corporels et dégradants, violences sexuelles, abus et exploitation, violence psychologique, intimidation, combats et corvées obligatoires. Garçons et filles sont touchés par la violence scolaire, mais les filles sont les plus affectées étant donné leur vulnérabilité face à la violence sexuelle, aux abus et à l’exploitation.
Malheureusement, parmi les auteurs de cette violence on trouve les personnes qui sont censées protéger et prendre soin des enfants, à savoir: les enseignants, le personnel scolaire, les étudiants, mais également les jeunes hommes, les soldats et les chauffeurs d’autobus, entre autres.
Soumettre des enfants à des punitions physiques ainsi qu’à des corvées obligatoires, à de la violence,et à des abus sexuels, par exemple, équivaut, dans la plupart des cas, à de la torture, des traitements inhumains et dégradants. Ceciporte atteinte à leur dignité en tant qu’êtres humains, comme il est prévu par l’article 5 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des peuples (CADHP) et de l’article 11-5 (et 16, 11 – 3 (d)) de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant (CADBE).
Quelle que soit la forme qu’elle prend, la violence à l’école amène les enfants à craindre d’exprimer leurs opinions, de peur d’être persécutés, ce qui porte atteinte à leur liberté d’expression en vertu de l’article 9 (2) de la CADHP et de l’article 7 de la CADBE. Un enfant du Togo a bien résumé la situation: « Si l’enseignant me frappe, tout part immédiatement de ma tête. Même si j’avais beaucoup d’idées avant, au moment où il me frappe, je perds tout – je ne peux pas penser »
La violence sexuelle particulièrement, a des conséquences graves sur le droit à la santé de l’enfant. Les filles et les garçons courent un grave risque d’infection au VIH et à d’autres maladies sexuellement transmissibles. Les garçons subissent des sévices tels que la sodomie ainsi que d’autres formes d’abus sexuels. En ce qui concerne les filles, les grossesses précoces et non désirées mettent en danger leur vie et celle de l’enfant à naître, ce qui accroît le risque d’avortements illégaux. Dans la plupart des cas, l’éducation des filles est compromise une fois qu’elles sont enceintes. Ceci constitue une violation flagrante du droit à la santé et à l’éducation de l’enfant respectivement prévus dans les articles 16 et 17 de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples. Parfois, la violence sexuelle est exacerbée lorsque les jeunes filles sont contraintes à un mariage précoce, coupant ainsi court à leur éducation en violation de l’article 11 (6) de la Charte Africaine des Droits et du Bien-être de l’Enfant ainsi que des articles 12 (1) (c) et (2) (c) du Protocole à la Charte africaine sur les Droits de l’Hommes et des Peuples relatif aux droits des femmes en Afrique.
En plus de la violation du droit à l’éducation, des témoignages provenant du Togo, du Libéria et du Ghana montrent qu’effectuerdes tâches obligatoires dans les domiciles des enseignants augmente la vulnérabilité des enfants à d’autres formes de violence et réduit le temps que les enfants peuvent consacrer à l’apprentissage, aux repos ou aux loisirs.
L’article 18 (3) de la Charte africaine impose aux Etats parties de protéger les droits des femmes et des enfants comme il a été stipulé dans les déclarations et conventions internationales ; celles-ci comprenant la Charte africaine elle-même, la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant et la Convention des Nations Unies sur les droits de l’enfant, interdisent toutes la violence faite aux enfants.
En dépit de cette obligation, la violence scolaire est encore très répandue en Afrique. Par conséquent, nous recommandonsque la Commission africaine collabore avec le Comité Africain d’Experts sur les Droits et le Bien-être de l’Enfant pour demander instamment aux États parties à la Charte de:
Recruter des enseignants qualifiés et d’encourager le recrutement de femmes enseignantes dans le système d’éducation publique;
Investir dans la formation des enseignants, en particulier sur les formes alternatives de correction et de perfectionnement professionnel, de renforcer les normes professionnelles et d’établir un code de conduite pour les enseignants;
Renforcer et harmoniser la législation et des politiques pour la protection des enfants contre la violence scolaire et la poursuite des auteurs;
Augmenter la base de données probantes pour éclairer les politiques en mettant en place un mécanisme centralisé pour enregistrer, rapporter et surveiller la violence contre les enfants au sein et autour de tous les types d’établissements d’enseignement;
Développer ou améliorer des mécanismes de coordination entre l’éducation, les services sociaux et médicaux aux niveaux national et local pour augmenter prévention de la violence et de renforcer la rapidité et l’efficacité de l’intervention lorsque cela est nécessaire, et rendre disponibles et accessibles des mécanismes permettant aux enfants de signaler les cas de violence à l’école ; et également établir des mécanismes pour la réinsertion des enfants qui souffrent de violence en milieu scolaire afin de leur permettre de terminer leurs études.