Déclaration d’IHRDA lors de la Journée mondiale du réfugié, 20 Juin 2011
«… prendre des mesures minutieuses pour remplacer les documents d’identité nationale de ces citoyens mauritaniens, qui leur ont été pris au moment de leur expulsion et veiller à leur retour sans délai en Mauritanie, ainsi que la restitution des biens pillés au moment de la ladite expulsion ; et prendre les mesures nécessaires à l’indemnisation des privations endurées par les victimes des événements cités ci-dessus … »
Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples ; Décision sur les communications 54/91, 61/91, 98/93, 210/98 et 164-97-169-97, Malawi African Association et Ors v Mauritanie, 2ème recommandation.
Le rétablissement des documents de citoyenneté est un pilier de la protection internationale dans le cadre du rapatriement volontaire. Il concrétise la jouissance des droits de citoyenneté des rapatriés et des anciens réfugiés et, par conséquent, leur droit aux services publics, et autres privilèges et possibilités dont bénéficient les citoyens.
Alors que nous célébrons la Journée mondiale des réfugiés 2011, l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) tient à exprimer sa préoccupation croissante concernant la mise en œuvre de la recommandation de la décision de l’ACmHPR (Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples) citée ci-dessus. Le rapatriement des réfugiés, le rétablissement de leur pleine citoyenneté et la restauration de leur état pré-expulsion ont été quasiment arrêtés.
En Décembre 2009, le gouvernement mauritanien a décide d’interrompre l’émission de documents d’identité pour les rapatriés jusqu’à ce qu’un recensement de la population soit effectué. Cependant, ce recensement national n’a commencé qu’en mai 2011. Dans la période intermittente, les rapatriés sont restés sans documents attestant de leur pleine citoyenneté, tels que ceux requis par la décision l’ACmHPR et le Tripartite Agreement on Voluntary Repatriation (Accord tripartite sur le rapatriement volontaire). Par ailleurs, étant donné que le processus de rétablissement des documents avait déjà accumulé des retards en 2008 et 2009, des dizaines de rapatriés n’ont pas encore reçu leurs documents d’identité à ce jour en dépit de leur retour, datant d’aussi loin que 2008. Un retard dans l’émission de documents d’identité affecte à son tour l’émission d’actes de naissances, décès, mariage, éducation, titres fonciers, inscription des électeurs et autres documents. En fait, la plupart des rapatriés ne détiennent une «feuille de recensement des rapatriés» ou sont enregistrées leurs données personnelles, et qui ont été émises lors de l’accueil au niveau des points d’entrée frontaliers.
L’incapacité des autorités mauritaniennes à faciliter le processus de documentation en adaptant les procédures administratives au contexte du retour est particulièrement inquiétante. Par exemple, dans des circonstances normales, un citoyen mauritanien doit présenter sa demande de certification de nationalité avec les cartes d’identité de ses parents. Cependant, puisque la documentation des rapatriés a été saisie et détruite au cours des expulsions de 1989, de nombreux expulsés et leurs enfants ne peuvent pas obtenir de documents de nationalité selon la procédure normale. En outre, le taux très élevé d’erreurs de transcription est en train d’entraver l’émission de documents. À Médina Salam, par exemple, 67 cartes d’identité ont été traitées sur les milliers requises, mais seulement trois ont être émises vu que le reste (64 cartes) avait des erreurs d’orthographe. Dans la région de Trarza, les enfants nés depuis le retour ne peuvent pas non plus recevoir d’acte de naissance car leurs parents n’ont pas de documents. Ceci crée de facto une nouvelle vague d’apatridie dans la population des rapatriés soumis à la dénationalisation forcée en 1989.
Toujours en exil
Entre Janvier 2008 et Décembre 2010, 20 433 réfugiés ont été rapatriés du Sénégal vers la Mauritanie sous l’égide de l’Accord tripartite signé par le Sénégal, la Mauritanie et le Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) en Novembre 2007. Cependant, à la fin du mois de mai 2011, il y avait encore environ 7.000 réfugiés enregistrés pour le retour volontaire sur les 20 000 restants au Sénégal. On estime, en outre a 13 000 ceux qui sont toujours au Mali en attendant la conclusion d’un accord tripartite similaire pour administrer leur rapatriement volontaire.
Obstacles à l’accès aux services sociaux et la liberté de mouvement
Comme avec le rétablissement des documents d’identité, les rapatriés continuent à éprouver des difficultés à accéder aux services sociaux. Les installations d’eau et d’assainissement dans plusieurs sites de rapatriés restent insuffisantes. Les rapatriés restent appauvris en raison de leur incapacité à accéder à leurs terres d’origine. En raison de cette inaccessibilité les rapatriés perdent des opportunités d’emploi ainsi que d’agriculture de subsistance
Les enfants rapatriés qui ont commencé leurs études au Sénégal se heurtent à des obstacles majeurs en matière de réinsertion en raison de la différence de la langue d’enseignement (au Sénégal le français est utilisé tandis que l’arabe est la langue d’enseignement en Mauritanie). Il y a une grave pénurie de salles de classe, de matériel d’apprentissage et d’enseignants, au point que certains rapatriés optent pour le renvoi de leurs enfants au Sénégal afin qu’ils puissent continuer à accéder à une éducation adaptée à leurs besoins.
Les établissements de santé sont rares et éloignés. Dans la région de Brakna, par exemple, il y a un hôpital à Bogué et un centre de santé à Bababé. Toutefois, en raison du chômage endémique, les rapatriés peuvent à peine se permettre de voyager jusqu’à ces établissements de santé, et encore moins de lever les fonds pour couvrir les frais de traitement.
Les rapatriés qui n’ont pas encore reçu les cartes d’identité sont également restreints aux sites de rapatriés, ce qui les rend virtuellement prisonniers des procédures administratives.
Conclusion
Bien que le gouvernement mauritanien puisse avoir des justifications spécifiques pour ses actions, telles que, mettre fin aux cas de corruption présumée et à l’émission frauduleuse de documents d’identité pour les non-citoyens le long de ses frontières, l’entièreté du processus de retour volontaire ne peut être compromise. Les fonctions du gouvernement ne peuvent pas être gelées en raison de l’éventualité de fraudes. Le gouvernement mauritanien doit enquêter et utiliser les mécanismes liés à la lutte contre la fraude comme il le ferait dans d’autres centres d’inscription dans le pays.
IHRDA et ses partenaires de la société civile réitèrent donc leur inquiétude sur l’état du processus de retour et son processus d’indemnisation, comme précédemment exprimé, et «exhortent le gouvernement mauritanien à doubler ses efforts concernant son engagement vis-à-vis de la décision de la Commission africaine mentionnées ci-dessus et de l’accord tripartite signé par Mauritanie, le Sénégal et le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), le 12 Novembre 2007 « .
IHRDA appelle également la Commission africaine des droits de l’Homme et des Peuples (ACmHPR) à se réengager dans le suivi de la situation des rapatriés qui ont cherché sa protection dans les années 1990 et à assurer la pleine application de ses recommandations, en vertu de la décision 54/91 , 61/91, 98/93, 210/98 et 164-97-169-97, Malawi African Association et Ors v Mauritanie.
Tableau montrant l’état d’émission de cartes d’identité nationale
Nota: Aucune carte d’identité n’a été émise depuis décembre 2009. La situation demeure inchangée
Source: HCR à Nouakchott
Personnes enregistrées (par région) à compter du 31/10/2009
Trarza 1418
Brakna 5838
139 Gorgol
Guidimakha 35
Assaba 41
Total 7471
Personnes ayant droit à la carte d’identité (par région) à compter du 02/08/2011
Trarza 2094
Brakna 7300
Gorgol 485
Guidimakha 81
Assaba 227
Total 10187
Personnes identifiées par le système de données de cartes d’identité (par région) à compter du 31/10/2009
Trarza 373
Brakna 1428
Gorgol 8
Guidimakha 5
Assaba 9
Total 1823
Cartes d’identité produites (par région) à compter du 31/10/2009
Trarza 899
Brakna 3269
Gorgol 128
Guidimakha 30
Assaba 32
Total 4358
Cartes d’identité réparties (par région) à compter du du 13/10/2009
Trarza 560
Brakna 2358
Gorgol 41
Guidimakha 30
Assaba 32
Total 3021
Tableau montrant l’état d’emissions d’actes de naissance
SOMMAIRE DE SUIVI DE LA DISTRIBUTION DES CERTIFICATS DE NAISSANCE (CI DESSOUS INTEGRALES DES COPIES)
Source: HCR à Nouakchott
Total des populations rapatriées (par région)
Trarza 4154
Brakna 14615
Gorgol 1104
Guidimakha 164
Assaba 447
Total 20484
Population totale vérifiée des rapatriés (par région)
Trarza 3036
Brakna 13857
Gorgol 648
Guidimakha 164
Assaba 391
Total 18096
Rapatriés qui ont reçu des actes de naissance (par région)
Trarza 1726
Brakna 8980
Gorgol 304
Guidimakha 70
Assaba 101
Total 11181
% de la population des rapatriés détenant un acte de naissance (par région)
Trarza 41
Brakna 61
Gorgol 27
Guidimakha 42
Assaba 22
Total 55