Banjul, le 3 Novembre 2022 : IHRDA et une avocate ivoirienne, au nom de 4 survivantes de viols lors des violences post-électorales de 2010/2011 en Côte d’Ivoire, ont déposé une plainte contre la Côte d’Ivoire auprès de la Cour de Justice de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (la Cour de la CEDEAO), pour demander justice. La plainte déposée le 31 octobre 2022 fait suite à un jugement rendu en avril 2021 par le Tribunal pénal d’Abidjan, qui manqué d’établi la responsabilité des forces de l’État dans ces violations.
Selon les faits de l’affaire, les plaignantes ont subi d’agression sexuel entre décembre 2010 et décembre 2011, lors des violences généralisées et du conflit armé qui ont éclaté après l’élection présidentielle de 2010 en Côte d’Ivoire. Au cours de cette période, 3 des plaignantes ont également perdu leurs filles, dont certaines avaient aussi été violées. En décembre 2012, les plaignantes ont entamé une procédure judiciaire en Côte d’Ivoire. En avril 2021, après de longs procès, le Tribunal Criminel d’Abidjan a déclaré le chef d’une milice responsable des violations commises à l’encontre de l’une des plaignantes, tout en rejetant les plaintes des autres plaignantes au motif que les accusés bénéficiaient de l’amnistie déclarée en août 2018 par le gouvernement pour les auteurs des infractions relatives aux violences post-électorales de 2010/2011. En plus d’exonérer l’État de son obligation de rendre compte sur les violations perpétrées par les forces de l’État et les groupes armés non étatiques, la décision de la Cour porte atteinte au droit des plaignantes à un recours.
Les plaignantes allèguent que la Côte d’Ivoire a violé leur droit à la vie et à la santé, et a également manqué à son obligation de garantir leur droit à un procès équitable, à la dignité, à l’intégrité morale et à la sécurité de la personne. Ces droits et obligations sont consacrés par plusieurs instruments juridiques de droits de l’homme auxquels la Côte d’Ivoire est partie, notamment la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatif aux droits de la femme en Afrique, la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et la Convention internationale sur les droits civils et politiques.
« L’impunité a généralement tendance à engendrer davantage de violations. Lors des violences post-électorales de 2010 en Côte d’Ivoire, les forces étatiques et non étatiques ont commis des infractions, et le gouvernement a le devoir de rendre des comptes. Même si le gouvernement choisit d’accorder l’amnistie aux auteurs, il a toujours le devoir de fournir la réparation aux victimes/survivants » – constate Eric Bizimana, juriste principal à IHRDA.
Les plaignantes demandent à la Cour de la CEDEAO de tenir la Côte d’Ivoire responsable des violations des droits de l’homme alléguées ; d’ordonner à la Côte d’Ivoire de leur verser une indemnisation pour les dommages subis et de leur fournir un soutien psychosocial, ainsi que de mener une enquête effective sur les violations, d’abroger la loi d’amnistie de 2018 et de poursuivre les auteurs dans un délai raisonnable.