Banjul, 14 novembre 2020
Honorable Président,
Depuis environ quatre ans, des individus, des organisations et des institutions appellent la Commission et l’Union africaine dans son ensemble à se pencher sur les violations graves et massives des droits de l’homme perpétrées par les forces gouvernementales et les groupes séparatistes dans le contexte du conflit en cours dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest du Cameroun.
Selon le Centre for Human Rights and Democracy in Africa, ONG basée au Cameroun, il existe des motifs raisonnables de croire que des crimes contre l’humanité sont commis depuis le début de ce conflit en octobre 2016. Plus de 200 villages ont été partiellement ou complétement détruits, ce qui a provoqué la fuite des milliers de personnes. Selon un rapport du Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires humanitaires, plus de sept cent mille personnes ont été déplacées, tandis qu’environ 70 000 personnes ont demandé l’asile dans les pays voisins, notamment le Nigeria. Des milliers de personnes ont été tuées, avec des destructions de biens non quantifiables. Bien que récemment de nombreuses personnes déplacées soient en train de retourner dans leurs communautés, suite à l’accalmie qui s’installe dans certaines parties des régions affectées, environ 1,5 million de personnes ont besoin d’une aide humanitaire.
Tout en reconnaissant les efforts déployés par le gouvernement du Cameroun et ses partenaires pour résoudre le conflit et garantir la protection des personnes et des biens, les récents développements dans lesdites régions anglophones démontrent que les violations continuent de s’aggraver. Nous restons très préoccupés par le fait que le gouvernement ne fait pas assez pour assurer la protection des personnes et des biens. Les incendies des villages continuent ; les forces belligérantes et les citoyens ordinaires continuent d’être tués, parfois de manière déshumanisante ; les écoles et les hôpitaux continuent d’être attaqués par des personnes non identifiées ; des particuliers sont continuellement kidnappés et traumatisés. Dans ces dernières semaines, plusieurs atrocités commises dans ces zones ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Le 24 octobre 2020, des hommes armés non identifiés ont attaqué une école à Kumba dans la région du Sud-Ouest et ont massacré sept élèves, faisant plusieurs autres blessés. Le 3 novembre 2020, des hommes armés non identifiés ont attaqué une école à Kumbo dans la région du Nord-Ouest et ont enlevé au moins 11 enseignants. Le 4 novembre 2020, des hommes armés non identifiés ont attaqué une autre école à Limbé dans la région du Sud-Ouest et ont forcé des élèves et des enseignants en classe à se déshabiller, tout en les filmant et en les torturant ; ils ont fait circuler les vidéos sur les réseaux sociaux et ont également incendié une section de l’école. Les populations vivent constamment dans la peur.
Nous demandons au gouvernement de mener des enquêtes crédibles sur ces violations et de traduire en justice toutes les personnes responsables. Nous soulignons à nouveau la nécessité pour le gouvernement du Cameroun, en tant que porteur d’obligations envers ses citoyens, de continuer à rechercher une solution négociée et durable à ce conflit par un dialogue sincère et constructif avec toutes les parties prenantes.
Nous demandons une fois de plus à la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples d’intensifier sa collaboration avec d’autres organes concernés de l’Union africaine, en vue d’une solution plus concrète et durable à ce conflit et aux violations atroces des droits de l’homme dans les régions anglophones du Cameroun.