Addis Abeba, le 18 mars 2019
Madame la Présidente,
Membres du Comité,
Distingués Participants :
Depuis le début de la crise sociopolitique « la crise dite anglophone » au Cameroun fin 2016, les écoles ont été systématiquement et délibérément visées, ouvertement ou prétendument, par des combattants séparatistes. Au début, la stratégie consistait à appeler les enfants au boycott de l’école, en menaçant et attaquant quiconque osait aller à l’école. Plus tard, on a commencé à vivre des attaques et incendies sur des écoles, ainsi que des incursions dans les écoles par des personnes armées pour renvoyer tout le monde, provoquant beaucoup d’angoisse. Récemment, les attaques sur les écoles ont pris une autre dimension, notamment les enlèvements massifs des enfants dans les écoles par des personnes armées non identifiées, soit pour les rançonner, soit pour semer de la panique. Dans certains cas, les séparatistes et le gouvernement se sont jetés le tort, bien que le gouvernement retienne pratiquement le contrôle de ces zones, ce qui évoque la nécessité d’enquêter et de rendre compte.
Cette atmosphère de frayeur qui règne au sein des écoles et leurs environs dans la partie anglophone du Cameroun a fortement handicapé l’éducation des enfants dans cette partie du pays, avec des effets ressentis aussi dans la partie francophone. Les écoles de la partie anglophone subissent des interruptions intermittentes, pour aussi longtemps que les séparatistes le veulent, d’autant plus qu’ils accompagnent leurs actions avec des menaces. De plus, les enfants partent à l’école et étudient dans la peur, étant donné qu’il pourrait y avoir des attaques à tout moment. Pire encore, beaucoup d’écoles ont pratiquement fermé leurs portes suite à des attaques ou à la peur d’être ciblées. Malheureusement, alors que des milliers d’enfants ont été relocalisés dans la partie francophone du pays pour y poursuivre leurs études, les écoles dans beaucoup de ces communautés sont surpeuplées. Cela nuit donc à la qualité, à l’efficacité de l’enseignement et aux services dans ces écoles qui accueillent ces enfants déplacés.
Certains experts pensent que la prise en otage de l’éducation est destinée à obliger le gouvernement et la communauté internationale de prendre au sérieux les préoccupations des séparatistes ; alors que certaines personnes ne voient plus tout simplement la pertinence pour un enfant d’aller à l’école, quand, d’après celles-là, il n’y a pas d’espoir pour les enfants et les jeunes dans leur pays.
Quel que soit le motif, il est inacceptable que les enfants soient victimisés et terrorisés rien que pour vouloir aller à l’école, et que la prise en otage de l’éducation des enfants soit utilisée comme moyen de pression pour négocier dans les conflits armés. Nous ne sommes pas en mesure de déterminer de façon claire qui est directement responsable de toutes les violations susmentionnées; mais nous sommes préoccupés par le fait que le droit des enfants à l’éducation est systématiquement violé.
Nous nous félicitons de la récente décision du Comité visant à faire de la question des enfants et des conflits armés un domaine prioritaire dans son travail. Nous notons avec plaisir que l’Observation générale en cours d’élaboration sur l’Article 22 de la Charte africaine de l’enfant souligne la nécessité de s’attaquer aux infractions graves relatives aux enfants dans les contextes de conflits armés, y compris les attaques contre les écoles et les enlèvements d’enfants.
Nous appelons donc le Comité à prêter attention à la situation du Cameroun, parmi tant d’autres sur le continent, et de prendre des mesures pour contribuer à remédier cette situation.
Merci.