Banjul, le 12 octobre 2017
Le 12 octobre 2017, la Cour de la CEDEAO a rendu son arrêt dans l’affaire Dorothy Njemanze et 3 autres contre la République Fédérale du Nigeria. L’affaire portait sur le traitement violent, cruel, inhumain, dégradant et discriminatoire dont les demanderesses ont été victimes aux mains des agents des forces de l’ordre, à Abuja, au Nigéria.
Les femmes nommées Dorothy Njemanze, Edu Ene Okoro, Justina Etim et Amarachi Jessyforth ont été enlevées et agressées sexuellement, physiquement, verbalement et illégalement, à différents moments entre janvier 2011 et mars 2013, par Abuja Environmental Protection Board et d’autres organismes gouvernementaux tels que la police et l’armée. Elles ont été arrêtées et accusées d’être des prostituées simplement parce qu’elles se trouvaient dans la rue pendant la nuit.
Selon l’arrêt de la Cour, l’arrestation des demanderesses était illégale et portait atteinte au droit à la liberté puisque l’Etat défendeur n’avait pas apporté la preuve que ces femmes étaient effectivement des prostituées. La Cour a également conclu qu’appeler prostituées ces femmes constituait une violence verbale qui viole le droit de ces femmes à la dignité. En outre, la Cour a estimé que les arrestations portaient atteinte au droit de ces femmes de ne pas être soumises au traitement cruel, inhumain ou dégradant; et constituaient également une discrimination fondée sur le sexe.
La Cour a conclu à de multiples violations des articles 1, 2, 3 et 18 (3) de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples; des articles 2, 3, 4, 5, 8 et 25 du Protocole à la Charte africaine relatif aux droits de la femme en Afrique (Protocole de Maputo); des articles 2, 3, 5 (a) et 15 (1) de la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes; des articles 2 (1), 3, 7 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques; des articles 10, 12, 13 et 16 de la Convention contre la torture; et des articles 1, 2, 5, 7 et 8 de la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Les première, troisième et quatrième demanderesses ont chacune obtenu des dommages et intérêts d’un montant de six millions de Naira. Cependant, l’action de la deuxième demanderesse a été rejetée parce qu’elle était prescrite en vertu du Protocole créant la Cour.
Il convient de noter que c’est la première fois qu’un tribunal international se prononce sur les violations du Protocole de Maputo.
L’affaire a été conjointement intentée le 17 septembre 2014 par l’Institut pour les droits de l’homme et le développement en Afrique (IHRDA), Alliances for Africa, le Nigerian Women Trust Fund et le cabinet d’avocats SPA Ajibade and Co, Alliances pour l’Afrique (AfA), avec l’appui financier d’Open Society Initiative for West Africa (OSIWA).