Alors que l’Afrique célèbre la Journée de l’enfant africain, l’Institute for Human Rights and Development in Africa (IHRDA) se joint à la communauté nubienne au Kenya pour fêter une première victoire dans leur longue lutte pour la citoyenneté. Les enfants nubiens ont le droit à la nationalité kenyane et à la citoyenneté dès la naissance.
En Mars 2011, le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant (CAEDBE) a annoncé sa décision préliminaire sur la communication 002/09 Nubian Children in Kenyan v Kenya. IHRDA porté cette affaire au nom de Nubian Children in Kenyan en collaboration avec l’Open Society Justice Initiative (OSJI). Le CAEDBE a déclaré le Kenya,comme étant en violation de ses obligations, en vertu de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant (CAEDBE), pour ne pas avoir accordé de nationalité aux enfants nubiens à la naissance.
“Elle ouvre l’accès à nos enfants à leurs droits humains fondamentaux.”
«Nous sommes très heureux et reconnaissants par rapport à la décision du CAEDBE. Elle ouvre l’accès à nos enfants à leurs droits humains fondamentaux, tels que le droit à l’éducation et la santé,ce, sur un pied d’égalité avec les autres enfants kenyans « , a déclaré M. Issa Abdulfaraj, président du Conseil des anciens de la communauté nubienne au Kenya. Une équipe conjointe IHRDA / OSJI a rencontré la communauté nubienne à Kibera, à Nairobi, au Kenya en mai 2011, afin de leur communiquer la décision du CAEDBE.
Contrairement à la plupart des Kenyans, les Nubiens sont soumis à un contrôle afin d’obtenir des documents kényans d’identité . En fait, ce processus nécessite régulièrement des preuves d’identité supplémentaires et un interrogatoire devant un comité de contrôle. Les longs retards dans le contrôle contribuent à une plus ample marginalisation et pauvreté des Nubiens au Kenya. Certains ne reçoivent jamais de preuve de citoyenneté. Sans carte d’identité nationale, l’accès aux soins de santé, l’éducation, l’emploi et tous les autres droits attachés à la citoyenneté, sont sévèrement limités, sinon totalement refusés.
Alors que les enfants nubiens attendent le texte intégral dela toute première decision du CAEDBE, il est opportun d’accueillir favorablement la conclusion préliminaire en leur faveur.
Contexte
Les certificats de naissance au Kenya précisent qu’ils ne sont pas une preuve de citoyenneté. Alors que la plupart des enfants Kenyans attendent légitimement que leur nationalité kenyane soit reconnue à l’âge de 18 ans, cela est refusé aux enfants nubiens: ils ne peuvent pas être sûrs qu’ils seront acceptés comme citoyens, vu qu’ils seront soumis à un processus d’examen long et complexe avant d’avoir leur citoyenneté reconnue. La Kenya National Commission on Human Rights (Commission nationale kenyane des droits de l’homme) a décrit cette situation comme une « discrimination institutionnalisée » dans son rapport de 2007 An Identity Crisis? A Study on the Issuance of National Identity Cards.
L’incapacite à reconnaître la nationalité aux Nubiens signifie aussi que le gouvernement ne leur reconnaît pas de droits de propriété et les traite comme des occupants illegaux sur leurs propres terres. Par conséquent, le gouvernement refuse de fournir des services publics tels que l’eau à Kibera, qui abrite une grande population de Nubiens. Par ailleurs, il ne fournit pas un accès égal à l’éducation et la santé, condamnant les enfants nubiens à une vie de pauvreté. Tous les logements à Kibera sont, techniquement, «temporaires», et les résidents ne sont pas autorisés à prolonger, voire à réparer leurs maisons.
Une difficulté majeure pour les enfants nubiens dans l’acquisition effective de la nationalité est est dûe au fait que de nombreux parents nubiens ont des difficultés à enregistrer la naissance de leurs enfants. Beaucoup de responsables hospitaliers publics refusent de délivrer des certificats de naissance aux enfants nubiens – malgré le fait que les certificats de naissance eux-mêmes n’octroyent pas la citoyenneté. Le fait que de nombreux parents nubiens eux-mêmes ne disposent pas de documents d’identité valables en raison de la pratique discriminatoire de déni de cartes d’identité complique davantage leurs efforts.
Les enfants nubiens grandissent en sachant qu’ils pourraient ne pas avoir un accès égal à l’emploi, au droit de vote et au travail dans le secteur formel, et pourraient ne pas être en mesure de voyager à l’étranger. Les cartes d’identité sont nécessaires pour presque toutes les transactions officielles. Au-delà de la sécurisation de l’emploi dans le secteur formel et le vote, ne pas disposer de carte d’identité empêche l’ouverture d’un compte bancaire ou de ainsi que l’accès a une gamme de services publics. Cela restreint également l’entrée dans certains bureaux du gouvernement, ainsi que l’accès à toute licence, permis ou document du gouvernement. Un autre grave problème lorsque on ne dispose pas de carte d’identité nationale est le harcèlement policier: les agents de sécurité réclament souvent des identifiants nationaux afin d’eviter une arrestation.
La violation des droits des enfants nubiens par le refus de la reconnaissance de la nationalité kenyane à la naissance, et les violations corollaires du manque d’accès adéquat au logement, éducation, santé et eau potable, ont toutes été debattues dans l’affaire introduite par la IHRDA et OSJI contre le Kenya.
Le Comité
Le Comité africain d’experts sur les droits et le bien-être de l’enfant surveille la mise en œuvre de la Charte africaine des droits et du bien-être de l’enfant, que le Kenya a ratifié le 25 Juillet 2000, avec 44 autres pays africains. Le Comité est actuellement le seul organe de surveillance de traités sur les droits des enfants dans le monde qui reçoit des plaintes contre les États parties. Il est basé à Addis-Abeba. La communication, “002/2009 Nubian Children in Kenya v Kenya”, est la deuxième reçue par le Comité et la première à atteindre le stade du fond.
L’audience et la décision subséquente ont fait partie des délibérations du Comité au cours de sa 17ème session ordinaire tenue à Addis-Abeba 21-25 Mars 2011.
Conseillers pour les enfants de Nubie, IHRDA et OSJI avaient auparavant présenté leurs arguments juridiques à la première audience sur le fond d’une communication du Comité le 22 Mars 2011.
Le Comité publiera sa decision détaillée et motivée dans un mois, où il prescrira des «recommandations qu’il ferait à la République du Kenya en matière de recours qu’il juge appropriées afin de promouvoir, protéger, respecter et satisfaire au mieux des intérêts des enfants nubiens au Kenya ».